Le fascisme aussi se targue de politique de sécurité

23/10/2018
Adolfo Muñoz "Txiki", Secrétaire Général
Et maintenant, le Brésil. Et il ne se passe toujours rien. Le PP et Ciudadanos disent que Vox est une partie des leurs. Aznar ajoute que dans son legs politique ils ne faisaient qu’un et que maintenant ils sont trois. Le pire de tout, c’est que la classe politique se comporte comme s’il ne se passait rien.

Une analyse de la montée du fascisme néglige d’habitude l’influence du capitalisme. C’est une perversion. La montée du fascisme est directement associée aux politiques qui amènent la pauvreté, car la pauvreté et le désespoir d’un peuple sont un bouillon de culture pour le fascisme. En Grèce, la troïka imposait un agenda cruel d’ajustements et de coupes s’opposant à la décision démocratique du peuple grec manifestée en référendum. Peu leur importait la famine du peuple, la perte de crédibilité des élus qui avaient promis de respecter la volonté de leur peuple et peu leur importait aussi la montée d’Aube dorée.

Au fil de l’Histoire, quand il en a eu besoin, le capitalisme s’est appuyé sur le fascisme. Et maintenant il en a besoin. Il sait que l’extrême droite parvient à déplacer l’ensemble de la politique vers la droite, y compris la gauche qui déambule, désorientée et complexée. Il suffit d’analyser les inquiétudes du FMI rendues publiques cette semaine : Brexit, guerre commerciale, croissance… Nulle part ne figure la montée de l’extrême droite, ni les ravages du changement climatique, ni le caractère misogyne de ces fascistes. Les médias européens rapportent, après la victoire au premier tour de Balsonaro au Brésil, que les “marchés” applaudissent sa victoire et son soutien aux privatisations.

L’UE a fait plier la Grèce et se retrouve maintenant après ses arrêts sur la limite de déficit en face du gouvernement néo-fasciste italien. Ce que la gauche n’a pas été capable de faire pour protéger la cohésion sociale c’est la droite que le fait pour consolider son projet. Il est inacceptable que la critique à cette UE vienne surtout d’une extrême droite qui s’organise et se coordonne dans toute l’Europe.

L’autre perversion qui va de pair avec la montée du fascisme est que les autoritarismes locaux, nombreux et durs, passent plus inaperçus. Comparés avec des personnages comme Orban, Trump, Salvini, Bolsonaro, Le Pen… ils semblent bien doux. Mais ils ne le sont pas. Un bon ami catalan qui avait maintenu une réunion avec des dirigeants d’un parti de la droite classique me résumait leur manière de défendre leur stratégie : “nous offrons aux électeurs la sécurité que les gens normaux exigent”. Bolsonaro, Salvini, Trump… le font eux aussi. “Bolsonaro –dit un journaliste de gauche brésilien- représente cette sensation d’ordre et d’autorité qui prend racine dans la population dans un contexte de marche arrière économique et morale. Bolsonaro a séduit cet électorat pauvre et enragé.” La chronicisation de la pauvreté revient comme un aliment du fascisme. La pauvreté et l’habileté du fascisme pour signaler les pauvres comme l’ennemi, jamais les détenteurs du pouvoir et du capital.

Il y a quelques semaines le nouveau ministre de l’Intérieur du Mexique disait : « Tant que nous ne nous occuperons pas des causes économiques, politiques et sociales, sources de l’insécurité, nous n’améliorerons pas la situation même si nous plaçons un policier à chaque coin de rue. Il y a des milliers d’enfants armés jusqu’aux dents au service du crime organisé d’une façon ou d’une autre, soit sous les menaces soit parce que leur situation économique est insoutenable ». Depuis 2006, la violence a causé la mort de 200.000 personnes et il y a 35.000 disparues au Mexique. La semaine dernière j’ai rencontré un camarade syndicaliste galicien qui a perdu son gendre, assassiné au Mexique. Sa fille et sa petite-fille ont dû revenir vivre en Galice. Il me disait que le prix pour recruter un tueur à gages avait chuté de 3.000 à 300 dollars. Les tueurs à gages sont parfois des enfants de 15 ans. Brutal.

“Les choses en sont là”, nous répète encore et encore l’autoritarisme local pour que nous nous laissions séduire par un monde sans pilote. Son offre de sécurité est un leurre pour endormir les consciences et les sociétés. Une conclusion nous semble importante : sans proposer des alternatives en politique économique et sociale, sans un programme alternatif au capitalisme et sans une proposition sur l’Europe qui freinera la montée du fascisme, la gauche n’existe pas.