“Il est temps de passer à l’offensive”

20/01/2020
Le 30 janvier le Pays Basque est appelé à la grève générale convoquée par les Chartes des Droits Sociaux du Pays Basque pour défendre les retraites, l’emploi et une vie digne. Mitxel Lakuntza, secrétaire général de ELA, réfléchit à cet appel et souligne le besoin de passer à l’offensive.

30 janvier 2020. Grève générale. Pour quels motifs?

Les motifs? Il y en a à foison. Nous vivons dans une précarisation constante des conditions de travail et de vie des classes ouvrières, avec des chiffres croissants de pauvreté, d’inégalité et de couvertures sociales insuffisantes. Si nous analysons, par exemple, ce qui se passe avec les salaires nous constatons qu’ils ont perdu approximativement dix points de pouvoir d’achat depuis le début de la crise, surtout les salaires les plus bas. Le profil du travailleur ou de la travailleuse pauvre est apparu, avec des contrats partiels à chaque fois plus nombreux, qui affectent surtout les femmes; les loyers qui explosent et les retraites qui n’ont même pas garanti l’IPC. La politique qui se fait est celle que veulent le patronat et les grandes entreprise parce que l’économie croît mais la richesse se distribue à chaque fois plus mal. Nous nous révoltons face à cette situation. Nous sommes conscients que si nos revendications ne sont pas dans la rue elles ne figureront sur aucun agenda politique et que la grève est une grande opportunité pour que nos réclamations soient au coeur du débat politique.

Qui appelle à la grève?

Il faut souligner la pluralité des convocateurs. Voilà six ans, de nombreux syndicats et agents sociaux avons constitué, par processus participatif, la Charte de Droits Sociaux du Pays Basque, et depuis nous avons mis en place des initiatives pour défendre ces droits. Par ailleurs, depuis plusieurs mois, le mouvement des retraités du Pays Basque, qui se rassemble toutes les semaines depuis deux ans, insiste sur la nécessité d’aller plus loin dans sa dynamique de mobilisation et nous a demandé d’unir nos forces. Et nous croyons qu’il y a des motifs pour s’unir parce que nous entendons que c’est une lutte qui nous concerne tous et toutes.

ELA, et la Charte des Droits Sociaux du Pays Basque avons décidé de relever le gant et pour ce faire nous avons établi un calendrier de mobilisations qui inclut une grève générale le 30 janvier 2020. Rappelons qu’en 2011 nous avions déjà convoqué une grève contre la réforme du système public des retraites.

Les retraites seront un des axes essentiels de la grève mais pas le seul. Il y a deux autres revendications directement liées et qui doivent être aussi au centre de notre agenda de revendications : la qualité de l’emploi et les droits sociaux. Toutes ces luttes sont la même lutte.

Il est vrai que certains syndicats ne se joignent pas à l’appel mais nous ne pouvons pas oublier que certains ont accordé et souscrit certaines des mesures qui seront combattues avec cette grève (telle que l’augmentation de l'âge de la retraite à 67 ans) et nous ont déjà poussés à convoquer une autre grève générale en 2011.

Que prétend-on obtenir avec cette grève générale?

La grève est une grande occasion pour récupérer ce qui nous a été enlevé cette dernière décennie et pour passer à l’offensive. C’est notre manière de dire que nos problèmes sont encore là et que nous voulons des changements. C’est pourquoi nous avons établi une liste de revendications très forte : retraite minimum de 1.080 euros, âge minimal de départ à la retraite à 65 ans, salaire minimum de 1.200 euros, durée légale du travail de 35 heures par semaine, laisser sans effet les réformes du travail et de négociation collective approuvées ces dernières années, garantir les droits sociaux. Il s’agit de mettre frein à la précarisation des conditions de travail et de vie.

L’appel à la grève générale n’a pas plus au Gouvernement Basque ni au patronat. Ils l’ont qualifiée de grève politique et ont assuré qu’elle ne les interpelle pas parce que ce qui se réclame n’est pas de leur compétence. Contre qui est dirigée la grève?

Le Gouvernement Basque et le patronat partagent leur argumentaire. Il est parfois difficile de les distinguer. Le Gouvernement Basque nous a fait entendre que nous nous trompons de guichet, que nous devons nous diriger à Madrid où ils devraient nous donner réponse à nos revendications.

Notre réponse est claire : nous interpellons autant le Gouvernement de Madrid que le Gouvernement Basque et, bien évidemment, le Patronat. Car, s’il est vrai que la compétence en matière de retraites et de législation du travail est aux mains du Gouvernement Central, le Gouvernement Basque a la capacité d’influer sur certains aspects importants relatifs à ces thèmes. Il peut, par exemple, compléter les retraites minimales jusqu’à ce qu’elles atteignent 1080 euros, garantir le droit au logement, décider en matière de modèle d’assistance aux personnes dépendantes, reconnaître par loi le droit à la subrogation et à un salaire minimum de 1.200 euros pour le personnel des marchés publics sous-traités, éliminer le caractère éventuel du travail dans l’Administration Publique Basque ou approuver une loi qui mettrait fin à la discrimination et à la fracture salariale.

À Madrid, un nouveau gouvernement vient de se former qui se veut progressiste, dans un contexte d’attaque féroce des droites extrêmes et enhardies. Est-ce le moment de convoquer une grève générale?

C'est évidemment un soulagement que le pire des cas ait été évité, c'est-à-dire celui d'un gouvernement de droites (on pourrait dire des extrêmes droites, vu ce qui s'est passé dans le débat d'investiture de Pedro Sánchez). L'option d'un gouvernement PSOE et Unidas Podemos n'est pas celle des pouvoirs économiques, financiers et médiatiques de l'État espagnol. Ce n'est pas non plus la première option du PSOE, qui n'a cédé qu'après la répétition des élections.

La menace des droites, l’ultra droite et celle qui l’est plus encore est là et nous ne l’oublions pas, mais cette menace ne doit pas nous faire perdre la perspective. Nous devons évaluer avec rigueur l’accord atteint entre PSOE et Unidas Podemos et les politiques réelles qu’ils vont appliquer.

À ce jour, l’accord porte des doses énormes d’ambiguïté et il faudra voir quelle sera sa concrétisation, mais il est évident qu’il n’y a pas de réponse à la plupart des points recueillis sur la liste de revendications de la grève générale. La situation ne nous permet pas d’attendre. La démobilisation sociale est la pire décision que nous pouvons prendre en tant qu’organisations syndicales et sociales. Le moment est venu de faire pression depuis la rue pour obtenir que nos demandes soient prises en compte. C’est ce qu’un gouvernement progressiste attendrait de nous, comme certains nouveaux ministres l'ont déjà dit.