ELA considère indispensable de passer d’une stratégie de coexistence avec la Covid-19 à celle de son éradication

09/11/2020
Il est temps de renforcer les services publics, de mettre en place une couverture sociale large pour les secteurs et les personnes atteintes ; et de redoubler la sécurité au travail.

ELA considère que l’heure est venue de réaliser un changement profond de stratégie face à la COVID19. Cette pandémie a des conséquences extrêmement graves. Les chiffres officiels, qui ne rapportent sans doute pas toute la réalité, nous montrent que le coronavirus a provoqué la mort de plus de 2.000 personnes dans la Communauté autonome du Pays Basque (CAPV) et 700 en Navarre. Nombre d’entre elles sont décédées dans les résidences du troisième âge. Les décès ne datent pas du début de la pandémie. Le coronavirus a fait ce dernier mois plus de 100 morts en Navarre et plus de 200 dans la CAPV.




 

BILAN OFFICIEL DE DÉCÈS DUS AU CORONAVIRUS LE 2 NOVEMBRE

 


TOTAL

RÉSIDENCES DU 3ÉMEÂGE

POPULATION

 

CAPV

2.084

752

2.182.000

NAVARRE

722

491

661.000


Source : Élaboration propre à partir de statistiques officielles.

 

La stratégie suivie dans toute l’Europe avec la désescalade a été de côtoyer le virus au lieu de l’éradiquer comme l’ont fait l’Asie et l’Océanie. Au vu de l’évolution de la COVID19 et des mesures prises à nouveau sur tout le continent européen il apparaît que la stratégie n’a pas été la bonne.

Cette stratégie s’est appuyée sur le mantra de conjuguer la protection de la santé et le maintien de l’économie. Mais la stratégie s’est avérée un échec dans les deux domaines :


    • Les niveaux de contagion sont très élevés et sont inacceptables comme le montrent les données que nous avons offertes plus haut et celles que le Gouvernement Basque et celui de la Navarre offrent au quotidien.


    • le chômage a beaucoup augmenté et pourrait être pire encore si ce n’était les ERTE qui ont remédier en partie à cette situation. La réponse des institutions est loin d’être celle que le contexte exige. La deuxième vague que nous vivons va supposer une ralentissement ou une suspension de l’activité dans de multiples secteurs qui va s’aggraver et prolonger dans le temps. Cela supposera une augmentation de l’inégalité et des situations de pauvreté et d’exclusion sociale.

ELA a marqué dès le début une position exigeante : la vie est priorité absolue et les pouvoirs publics prennent leurs décisions en ménageant les intérêts à court terme de la patronale qui insiste et maintient certains centres de travail ouverts aux dépens de la santé des personnes. Notre proposition répondait aussi à une logique économique. En effet ce n’est qu’en assurant la santé de la population et en contrôlant la pandémie que nous serons capables d’avoir une activité économique plus normalisée et continue.

Une fois commencée la désescalade, l’action des institutions s’est centrée en grande mesure sur des recommandations et l’appel à la responsabilité individuelle. Il est évident qu’il faut enjoindre à toute la population d’avoir un comportement conforme à la gravité de la situation mais il est tout aussi évident que derrière ces recommandations se dégage l’impression d’une volonté d’éluder des responsabilités politiques au vu du manque d’actions et de mesures concrètes (à titre d’exemple, des demandes en Santé telles que l’augmentation des effectifs et le recrutement du nombre nécessaires d’équipes de tracing n’ont pas reçu de réponse ; dans les EHPAD des réductions de ratios, des recrutements exceptionnels ou l’évaluation de risques psychosociaux ; en éducation, une réduction de ratios et par conséquent une augmentation des effectifs qui permettrait de mettre en place de nouveaux espaces pour garantir l’activité présentielle ;…).

ELA considère aussi que cette stratégie de recours à la responsabilité individuelle prétend éluder aussi la responsabilité des entreprises dans l’application de leur obligation de préserver la santé de leurs travailleurs et travailleuses.

 

DES MESURES INSUFFISANTES ET TARDIVES


Ceux qui appliquaient la stratégie de vivre avec le virus partaient de l’hypothèse que le système de santé ne serait pas saturé. Mais les faits sont parlants : ces dernières semaines toutes les alarmes ont sauté avec un niveau d’occupation croissant d’occupation de lits hospitaliers et de services d’urgence par des patients atteints de la COVID19, des dispensaires collapsés…

Nous avions déjà dit qu’aucun système sanitaire européen ne réunissait des conditions adéquates pour faire face à une pandémie de ces caractéristiques mais les politiques de coupes avaient détérioré la qualité de nos systèmes sanitaires. Osakidetza et Osasunbidea étaient insuffisamment dotés et cela aggravait les conséquences que nous vivions et vivons encore.

Après plus de 7 mois de pandémie on peut affirmer que les responsables politiques n’ont pas agi en consonance avec l’envergure du défi :


• La recrudescence des courbes de contagions, de morts et de tension du système sanitaire a mis en évidence le manque de planification. Si au premier moment, en mars, on pouvait entendre que la situation était nouvelle, il est inacceptable qu’après tant de temps nous n’ayons pas de réponse cohérente au rebond que tout le monde scientifique annonçait.
   

• Il n’y a pas eu et il n’y a pas encore de panneau de contrôle de référence qui soit raisonnable. Les indices de contagions considérés graves par les institutions de la CAPV et de Navarre (500 cas par 100.000 habitants ces 14 derniers jours) sont très au-dessus des paramètres établis à l’échelle européenne. Si l’on tient compte du panneau de référence qui vient d’être établi pour l’État espagnol nous étions déjà en situation de risque élevé au début août, autant dans la CAPV qu’en Navarre. Et depuis la fin de ce mois en risque extrême. Il faudrait avoir un panneau de contrôle rigoureux défini par la communauté scientifique et accompagné de mesures à appliquer au cas par cas. Rien à voir avec la réalité.

Le Gouvernement Basque tout comme le Gouvernement de la Navarre sont allés à la traîne des évènements. Ils agissent tard et insuffisamment. L’évolution de la pandémie suffirait pour justifier cette affirmation. Nous voulons cependant citer deux cas concrets qui vont clairement dans ce sens : les systèmes de détection et de dépistage et le Plan Berri II du Gouvernement Basque.

Dès le début de la pandémie, on savait qu’une des clés était l’identification le plus rapide possible et exhaustive des contacts des personnes infectées par le virus. Et pour ce faire, il était essentiel de pouvoir compter sur un système de soins primaires capable d’identifier le plus grand nombre de cas possible et de le faire de manière rapide. On peut dire aujourd’hui sans se tromper que le système bat de l’aile.

Nous sommes dans une situation de transmission communautaire et les contacts identifiés par Osakidetza et Osasunbidea sont moins de la moitié du total des cas. Les raisons sont plurielles, entre elles la lenteur et l’insuffisance de la dotation en dépisteurs. Leur nombre a augmenté très lentement. Le 26 octobre il y en avait 112 en Navarre (30 d’entre eux des militaires, preuve de la collaboration du Gouvernement avec le discours de la militarisation de la lutte contre la COVID) et 375 dans la CAPV, ce qui équivaut à un pour 5.800 habitants, une des pires ratios de tout l’État. Cela s’aggrave dans le suivi de contacts professionnels étroits, en le laissant à charge des Services de prévention des entreprises qui préfèrent cacher de possibles flambées du virus à éviter la prolifération des contagions. En conséquence, l’identification des contacts proches, quand elle se fait, se fait avec beaucoup de retard et de surcroît le retard à partir de la détection de symptômes jusqu’à la réalisation des tests empire les choses.

Malgré la situation très inquiétante depuis le mois d’août, le Gouvernement Basque n’a présenté son Plan, dénommé Bizi Berri II, qu’en octobre. Ce plan contemple plusieurs scénarios en eux mêmes critiquables. Les indices pour classer la situation en cinq niveaux (allant de sans transmission locale à transmission très élevée) sont très supérieurs à ce qui est accordé à la carte européenne des critères et dans l’État espagnol.


Quand la situation atteint le niveau maximum du Plan du Gouvernement Basque, des mesures sont prévues (telle que le maximum possible du télétravail, présence limitée à 30 personnes dans les magasins et les marchés avec des protocoles de prévention ou encore la fermeture de l’hôtellerie et de la restauration par zones) qui n’ont pas été mises en marche et ne semblent pas figurer à l’agenda du Gouvernement Basque.





II- MESURES PROPOSÉES PAR ELA


ELA considère prioritaire que les décisions soient prises en fonction des consensus existants dans la communauté scientifique. Et il nous semble que cette réflexion doit se faire pour les court, moyen et long terme.


Les évènements des derniers jours et semaines nous montrent clairement que la stratégie la plus adéquate pour préserver la santé - et ce que l’on a dénommé l’économie- est celle de l’éradication du virus et non pas celle de la coexistence. Nous devrions avoir appris qu’il faut agir fermement et rapidement : nous doter d’une grande capacité de détection et de suivi et adopter des restrictions strictes avec un nombre de cas peu élevé.

Des mesures restrictives s’appliquent déjà sur notre territoire qui ne donnent pas le résultat attendu. Nous sommes voués à un confinement similaire à celui des premiers mois de la pandémie et les institutions préparent le terrain pour ce faire.

ELA partage en ce moment le besoin d’adopter des mesures restrictives fermes qui doivent être accompagnées de décisions qui permettent de sauvegarder la santé des travailleurs et de pallier les conséquences économiques de la situation que nous vivons déjà et qui va s’aggraver comme nous avons déjà dit. Nous voulons insister dans ce sens et pour ce faire nous envisageons le besoin d’adopter de manière urgente des mesures visant à :

 

RENFORCER L’ADOPTION DE MESURES DE PRÉVENTION POUR PROTÉGER LA SANTÉ DES TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES ET DE LA POPULATION EN GÉNÉRAL

• Établir le caractère obligatoire du télétravail chaque fois que possible.
   

• Augmenter l’inspection dans les centres de travail ainsi que le contrôle du nombre de personnes. Renforcer l’équipe d’inspection avec 100 personnes dans la CAPV et 50 en Navarre.
   

• Prendre le contrôle public des services de prévention et la mise à disposition de leurs effectifs.
   

• Renforcer la fréquence du transport public et limiter le nombre de voyageurs.
   

• Limitation drastique des voyageurs, en prenant en compte le volume des espaces et aussi les évidences de la contagion causée par les aérosols.
   

• Obligation de mettre en place des systèmes de renouvellement ou de purification de l’air pour contenir la contamination via aérosols.

 

RENFORCER LA RÉPONSE DU SYSTÈME SANITAIRE ET SOCIOSANITAIRE

• Réaliser urgemment un processus avec la communauté scientifique pour élaborer un panneau de suivi et de contrôle de la COVID19. Établissement d’un indice (par exemple 100) à partir duquel on réaliserait des tests massifs à la population affectée (par commune, par zones de santé,…)

• Important renfort de la détection, dépistage et suivi des cas de contacts, pour garantir l’identification rapide de presque tous les positifs. Étendre la mise en place de l’application Radar Covid.
   

• Augmenter le personnel sanitaire pour l’assimiler à la moyenne européenne. 
   

• Intervention publique de la Santé privée pour rendre possible les soins de santé primaires et l’hospitalisation.
   

• Augmentation immédiate de la ratio de travailleurs et travailleuses pour personne soignée dans les secteurs de soins socio-sanitaires.

 

MESURES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES QUI PALLIENT LA SITUATION

• Toutes les personnes sans emploi doivent avoir droit à percevoir une prestation de protection. Aujourd’hui nous sommes très loin de cette situation et la gravité de la crise rend plus nécessaire que jamais l’adoption de cette mesure.
   

• Pallier les conséquences pour les secteurs économiques les plus affectés, par le biais de mécanismes qui compensent des pertes et ne soient pas simplement symboliques. Établissement de mécanismes pour l’exonération ou la réduction des loyers. L’application de mesures comme celle établie en Allemagne, qui propose de rembourser jusqu’à 75% des pertes en ventes à des entreprises particulièrement affectées par des crises et les restrictions.   

• Interdiction des évictions et de coupures d’alimentation aux personnes vulnérables qui n’ont pas d’alternative de logement.
   

• Mise en marche d’un système propre de complément aux dispositifs de chômage technique, ERTE, pour toutes les personnes touchées.
 

• Établissement du droit à soigner des personnes positives en COVID19 ou confinées, avec droit à une prestation économique.

Toutes ces mesures supposent une augmentation budgétaire. Pour que cela soit faisable il faut une augmentation des revenus publics. Il est urgent d’aborder une réforme fiscale selon les termes qu’ELA a proposés, à travers une hausse importante des impôts sur les bénéfices des entreprises, sur le patrimoine, le capital et les hauts revenus.


Par ailleurs, le cadre légal actuel rend difficile ou empêche les institutions de Hego Euskal Herria de prendre toutes les décisions nécessaires pour affronter une pandémie comme celle que nous vivons. Les limites du cadre juridique sont mis en évidence une fois de plus. Nous devons pouvoir compter sur un cadre de souveraineté pour pouvoir prendre ici toutes les mesures nécessaires.

Finalement, ELA lance un appel a sa militance et à la population en général à participer aux dynamiques de mobilisation qui seront mises en place les semaines et mois prochains. La mobilisation sociale a été, est et sera le chemin de participation démocratique d’une partie importante de la citoyenneté. Et en temps de pandémie elle est plus nécessaire que jamais. Nous n’allons pas accepter que les restrictions à la mobilité soient un alibi pour léser notre droit de nous organiser et lutter pour un modèle de société plus juste.