Le plan complètement stérile du Gouvernement Basque pour affronter la fracture salariale

08/01/2019
Le Gouvernement Basque a annoncé haut et fort qu’il consacrera 283 millions d’euros les prochaines années à l’élimination de la fracture salariale. Mais le plan stratégique que le gouvernement basque annonce est insuffisant et n’atteint pas la racine du problème, ce qui laisse prévoir qu’il ne l’éliminera pas. En outre, certaines de mesures que sa proposition reprend sont présentées comme si ELA en était l’auteur. Nous tenons à laisser les choses très claires : notre syndicat n’a pas participé à ce processus. Le 16 avril 2018, ELA présentait un document porteur de 32 mesures pour combattre la fracture salariale et en envoyait deux copies, au Gouvernement basque et à Emakunde. Ni le Gouvernement Basque ni le ministre pour l’Emploi ne daignaient nous répondre et, par conséquent, notre appréciation de l’attitude du gouvernement autonome est négative.

Le document a été présenté par Amaia Muñoa et Leire Txakartegi, secrétaire générale adjointe et responsable de la branche égalité du syndicat.

Le plan a une carence qui apparaît évidente de prime abord : il n’affronte pas le véritable problème de la fracture salariale. Le document du Gouvernement Basque ne cite que deux facteurs qu’il qualifie de fondamentaux pour expliquer la fracture: d’une part la distribution du travail en fonction du sexe ; d’autre part les difficultés que suppose concilier la prise en charge des personnes et l’emploi. En ce qui concerne ce dernier point, ce sont surtout les femmes qui assument la prise en charge des enfants et des personnes âgées, et sans percevoir pour cela de compensation économique. Par conséquent, ce sont les femmes qui demandent des congés de maternité, le travail à temps partiel… La plupart des travailleurs sous contrat à temps partiel sont des femmes car c’est la modalité à laquelle elles ont recours pour concilier leur emploi et le travail ménager ainsi que les soins qu’elles dispensent. Il en découle que les salaires des femmes sont plus bas, comme leurs pensions. Le travail à temps partiel est pénalisé.

Quoiqu’il en soit et sans minimiser l’importance des deux motifs précédents, il existe un troisième facteur à prendre à compte : la précarité du travail des femmes et la faible qualité de leurs emplois. Il est impossible de comprendre et d’éliminer à jamais la fracture salariale si la précarité n’est pas analysée.

Il y a aussi deux autres facteurs fondamentaux qui ne figurent pas au document du Gouvernement Basque : la privatisation des services publics (de nombreux travaux sont sous-traités et privatisés, qui devraient avoir la même rémunération que dans le secteur public, des travaux où les femmes sont la majorité : nettoyage, résidences, cantines scolaires…) et l’étatisation des conventions collectives, c’est à dire l’application sur le territoire de la CAV de conventions étatiques, avec des salaires moins élevés. Ces conventions s’appliquent spécialement dans les secteurs où les femmes constituent la plupart des effectifs : télémarketing, grandes surfaces…

Uniquement des mesures génériques

Les mesures que propose le Gouvernement Basque sont insuffisantes pour éradiquer la fracture salariale. En voici quelques exemples :

Qu’en est-il des sous-traitances?

Le plan du Gouvernement basque contemple le besoin d’un diagnostic de la fracture salariale mais les sous-traitances ne sont même pas citées. Les femmes représentent la majorité dans nombre des secteurs pour lesquels les administrations recourent à la sous-traitance car les emplois des femmes sont encore sous-estimés et par conséquent plus faciles à privatiser et externaliser.

Au chapitre des politiques d’emploi, le plan propose aussi une boîte à lettres virtuelle où soumettre les dénonces contre la discrimination salariale. Cette mesure est inutile à notre avis car beaucoup de femmes ne peuvent dénoncer à cause, précisément, de la situation de précarité qu’elles vivent. Le thème doit être traité en profondeur et les entreprises qui n’appliquent pas la loi doivent recevoir des sanctions exemplaires.

Les restrictions en dépense sociale ne sont même pas citées

Si l’on prétend affronter ce sujet avec sérieux, force est de parler des restrictions appliquées à la dépense sociale, car elles détruisent de l’emploi public. Mais dans son plan, le Gouvernement basque, ne cite même pas ces restrictions. ELA pense, au contraire, qu’il faut garantir le droit aux soins des personnes dépendantes, garantir la gratuité de l’éducation des enfants de 0 à 3 ans. Le plan, au contraire, ne reprend pas ces droits.

La ligne budgétaire est insuffisante

Le plan prévoit l’utilisation de 283 millions d’euros durant les deux années qui viennent pour développer les mesures qui y figurent. Mais ce chiffre n’offre pas une image réelle de la situation comme le démontrent les trois évidences suivantes :

a) La plupart des mesures visées au plan étaient déjà approuvées.

b) 283 millions en deux ans représentent 141 millions et quelques par an. En quatre ans ils peuvent atteindre 566 millions sans que rien ne change dans la situation actuelle.

c) Le budget pour lutter contre la fraude dans l’embauche n’est même pas symbolique : 60.000 euros par an. Difficile aussi de croire à un “plan d’attaque” qui coûtera 150.000 euros. Ces quantités sont clairement insuffisantes pour augmenter les ressources humaines nécessaires pour s’attaquer à la fraude.

Le dialogue social, un espace inefficace pour le suivi du plan

Le Gouvernement Basque propose la table de dialogue social pour la coordination et le suivi du plan.

ELA ne participe pas à cette table car juge qu’elle ne réunit pas les critères démocratiques minimums exigibles. Par conséquent, les principales décisions politiques qui peuvent être prises concernant la fracture salariale se prendront hors de cette table. Nous pensons, à titre d’exemple, à la politique budgétaire.

On reconnaîtra aussi au patronat la capacité de conditionner les mesures contre la fracture salariale même s’il est lui-même à l’origine de cette fracture.