Musée Guggenheim : L’inégalité est tentante et bon marché

13/07/2021
Ane Zelaia Arieta-Araunabeña, responsable de Zerbitzuak en Bizkaia

Alors que le service de nettoyage du Guggenheim de Bilbao continue en grève soutenu par ELA ,plusieurs nouvelles ont mis en évidence les faiblesses et les inégalités du musée.

Dune part, le député général de Biscaye, Unai Rementeria, a affirmé que l’agrandissement du Guggenheim à Urdaibai sera construit coûte que coûte et que pour ce faire la Députation serait prête à apporter les fonds nécessaires si les Fonds européens n’arrivent pas. Laissant de côté les mégalomanies, il convient de rappeler à Unai Rementeria que ce sont les contribuables qui doivent décider de cet apport, c’est à dire la classe travailleuse qui a vu agonir ces dernières années le tissu et la politique industriels de Biscaye et du reste de Euskal Herria pendant que l’on encourage un modèle de tourisme soutenu par un emploi précaire et sans garanties.

D’autre part, la direction du musée a annoncé haut et fort la campagne de crowfunding pour renouveler la structure interne de Puppy. L’initiative présentée comme adorable et moderne nous force à nous demander quel modèle de musée nous soutenons, dans quelles conditions et aux dépends de quoi et de qui.

En effet, un musée ne s’appuie pas seulement sur des structures d’acier et de titane, sur des projets mégalomanes et des campagnes de donations. Le musée est maintenu par ses travailleurs et travailleuses. Et depuis des années la direction du Guggenheim de Bilbao, ainsi que le Gouvernement Basque, la Mairie de Bilbao et la Députation de Biscaye qui sont membres du patronat et de l’exécutif (avec le lehendakari présidant le patronat et le député général présidant la commission exécutive) négligent et maltraitent ces fondations, en particulier avec la sous-traitance. Et le musée, comme Puppy, chancelle.

Le collectif en charge du nettoyage du Guggenheim en est un exemple. Il s’agit d’un collectif féminisé qui après 20 ans de service, commençait une grève le 11 juin pour revendiquer un salaire et des conditions professionnelles dignes qui combleraient la fracture salariale et leur permettraient de sortir de la misère à laquelle les condamne le système de sous-traitance et une convention collective obsolète (ce n’est pas le seul collectif du Guggenheim qui est entré en conflit ces dernières années).

Toutes les institutions, y compris celles participant au patronat du musée, lancent des messages défendant l’égalité : nous les entendons et lisons chaque 8 mars. Cependant, quand elles se rendent compte que l’égalité exige, entre autres choses, de l’investissement public, tout devient obstacle ; et c’est aussi le cas du Guggenheim. La fracture salariale existe parce qu’elle leur convient, elle est très économique. Le système a besoin de secteurs occupés surtout par des femmes à qui payer des salaires de misère du fait que le travail féminisé est calculé et estimé inférieur. Ce n’est pas tant que l’égalité soit chère, c’est que l’inégalité est très bon marché et tentante.

Les données ainsi le prouvent. Si nous comparons deux sous-secteurs dans celui du nettoyage, l’un masculinisé (le nettoyage des voiries) et l’autre féminisé (le nettoyage de bâtiments) et si nous ne prenons comme référence que les salaires de base de chaque sous-secteur (c’est à dire sans considérer les primes ou bonus), le travail du sous-secteur féminisé est payé 8.000€ de moins par an (le salaire de base d’une femme agent d’entretien en Biscaye est approximativement de 16.000 €, si elle a la “chance” de travailler à temps complet). Effectivement, aussi scandaleux que cela paraisse, la fracture salariale dans le secteur de l’entretien de Biscaye est de 50% approximativement. Et la situation des travailleuses du Guggenheim n’est pas meilleure : avec des travaux à mi-temps, des salaires qui n’atteignent pas 900 euros par mois et des charges de travail insoutenables.

Cependant, après plus de 20 jours de grève, la direction du musée ne propose aucune solution et nie la différence de salaires. L’attitude révèle sans doute une décision consciente et de mauvaise foi de maintenir la fracture salariale, l’inégalité et la misère. Une attitude qui contraste avec la détermination de Rementeria d’apporter le “nécessaire” pour la construction du Guggenheim ou les paroles du directeur du musée, Juan Ignacio Vidarte, lançant un appel pour que l’installation de Jeff Koons, Puppy soit renouvelée avec les apports économiques de tous.

Destiner des millions d’euros à un agrandissement du Guggenheim à Urdaibai répond vraiment à une clameur populaire, alors que les agents d’entretien femmes du musée sont en grève parce qu’elles n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois? Cet investissement est vraiment pensé pour l’intérêt de la classe des travailleurs? La mairie de Bilbao et la Députation feraient mieux de solutionner toute la misère et l’inégalité qui se cachent derrière le Guggenheim avant de lancer des projets pharamineux avec un argent qui devrait être destiné aux effectifs. La dernière des choses dont a besoin ce peuple est de voir s’étendre un modèle de tourisme précaire et inégal.